[Cube Blanc] est un programme d’expositions
monographiques ou thématiques développé jusqu'à présent par Vidéochroniques
avec la complicité de lieux partenaires. Vidéochroniques dans le cadre de sa programmation [Cube Blanc] et District ont le plaisir de vous convier au vernissage de l’exposition personnelle de Peter Bogers (Pays-Bas) en présence de l’artiste mardi 21 mars 2006 à partir de 18h30 exposition du 22 mars au 15 avril 2006. ‘Moments Partagés’
interview
‘Radio Grenouille’ (mp3 audio) District 20 rue Saint-Antoine -
13002 Marseille [À PROPOS DE
L'EXPOSITION] L’artiste néerlandais Peter Bogers observe
minutieusement les mouvements humains et en compose des tableaux visuels et acoustiques impressionnants. Il a commencé
sa carrière dans le champ de la performance avant de se tourner vers le
médium vidéo, en se réappropriant avec succès le
rapport singulier au corps, à l’espace et à l’action, comme celui entre
l’œuvre d’art et le spectateur. L’installation vidéo Shared Moments (2002)
joue sur différentes manifestations d’un acte répété, par des personnes aux terrasses de cafés, des parapentistes, dans
des scènes de gare, etc. Elle est composée d’une foule de séquences, qui, à
contrepied de l’esthétique du clip vidéo, instille une
lenteur et une dilatation spatiale inhabituelles, en bref, de la tension. La
matière visuelle ainsi modélisée transmet l’impression factice
d’une simultanéité de temps, d’espace et d’action, contredite par les
soustitres. La concordance est renforcée par le montage
grâce auquel l’action converge toujours vers un instant paroxystique, par exemple celui où les personnes observées
regarderont simultanément la caméra. De ces coïncidences surviennent les «moments partagés» entre l’image et le
spectateur. Bénédicte Chevallier Shared
Moments Texte du catalogue “Still Life”, Hartware Dortmund
(Allemagne) Date de parution : 2001 Les sculptures et installations vidéos de Peter Bogers interrogent
depuis le début des années 90, l’état physique et psychique de l’homme, sous l’angle de sa représentation dans les médias
audiovisuels. Il dissèque la structure filmique à la vingt-cinquième trame près (1/25e de seconde) pour révéler des images et des bruits du corps, ou des
actes, que nous ne pourrions percevoir sans moyens techniques. Bogers démonte et remonte sa “matière
première” en suites inombrables de séquences et prête ainsi aux choses qu’il observe, à contre-pied de l’esthétique du clip
vidéo, une durée inhabituelle. L’installation vidéo Shared Moments joue avec le montage d’images du
quotidien, conçu à partir d’une multitude d’instantanés, qui explorent, sur le mode d’une caméra intimiste, des modèles
sociaux de comportements : personnes aux terrasses de cafés, ou aux fenêtres, scènes de gare, parapentistes, jeune handicapé
qu’on toilette, enfant qui dort. Ces différents motifs ont été enregistrés sur plusieurs jours, semaines ou mois, dans un seul et
même lieu, ou plusieurs. (…) Shared Moments consiste en trois projections, dont chacune peut être fragmentée jusqu’en quatre
écrans. C’est-à-dire que sont parallèlement montrées trois, six ou douze variations différentes correspondant à un protocole de
prise de vue ou à un motif – terrasses, gares, parapente, etc (…). Dans la vue d’ensemble, le matériau modélisé transmet tout de
même l’impression d’une simultanéité de temps, d’espace et d’action, alors que ce n’est pas le cas dans les faits, comme
l’indiquent aussi les légendes. L’impression de concordance est renforcée car les mouvements, gestes et actions des personnes sont
presque coordonnés par le montage. Ici, on ne voit justement pas ce qu’on croit voir, et on ne peut pas appréhender ce
hiatus, de la même manière qu’on sait qu’une seconde de film contient vingt-cinq images bien qu’on ne puisse pas chacune les
distinguer. En outre, les différentes scènes dans Shared Moments convergent
toujours vers le même “moment” : le concours de circonstances où les personnes observées – manipulées –, regardent
simultanément la caméra, donc répondent pour ainsi dire en même temps au regard du spectateur. Ces moments constituent
quasiment la faille dans le système rigide de Bogers qui cristallise en tableaux vivants1 réduits au plus petit dénominateur commun des moments intimes de
«réalités», vécues indépendamment les unes des autres. L’intimité des scènes, ainsi
reconquise par la stimulation des échanges de regards, oscille vers l’observateur – qui à son tour est regardé fixement. C’est
alors seulement que les “Shared Moments” surviennent, comme un échange entre l’image et le spectateur. 1 En français dans le texte Peter Bogers’ video-art creates a connection with
viewers Article de Kurt Shaw paru dans le journal Tribune - Review Art
Critic Date de parution : 13 septembre 2002 Regarder des gens, nous le faisons tous. Mais dans ce geste
complaisant, il y a quelques moments délicats, quand les gens que nous regardons réalisent… C’est le sujet de “Shared Moments”, la récente installation vidéo de
l’artiste Peter Bogers. (…) “En principe, ils soupçonnent plus ou moins qu’ils sont filmés”
affirme Bogers à propos des sujets de Shared Moments, un travail vidéo de grande envergure qui représente
des personnes dans les jardins publics, les cafés et les gares à Budapest ;
des parapentistes en France ; et la fille de
l’artiste en train de dormir en pleine nuit. Bogers filme secrètement chacun
des sujets avec une caméra DV, en attendant le moment
précis où ils s’aperçoivent qu’ils sont observés. “À un moment donné, ils
matent ma caméra”, raconte Bogers. “Ils ne savent
pas si elle tourne ou pas, mais ils savent qu’elle est là.” Ce sont les fragments vidéos et la bande
sonore de ces moments que Bogers a ralenti et qui composent Shared Moments. Projettée sur un long mur par multiples de trois images, l‘effet de
cette installation vidéo est saisissant quand vous réalisez que ces gens filmés vous regardent soudainement
et simultanément. Bogers a tourné tous ces fragments vidéo en quelques jours
seulement, en 1999. Plus tard il les a manipulés un à un dans son atelier à Amsterdam, de telle sorte que les
regards, adressés en retour par tous les protagonistes à la caméra, aient la meme durée dans la vidéo, sans se soucier de la
durée pendant laquelle chacun d’eux l’avait effectivement regardée. Pour contribuer à l’effet, Bogers a ajouté des “time code” en bas de
chaque séquence vidéo et dans quelques unes, notamment celle de la gare, a introduit des bips
sonores, non sans humour, au moment précis où les sujets regardent la caméra. Cumulativement, tous ces éléments donnent un vrai sens à l’espace et
au temps, bien que le seul “moment partagé” qui ait lieu soit en réalité celui qui survient entre
l’image vidéo et le spectateur. (…) Watching the Watcher Article de John Hayes paru dans le journal Post Gazette, Pittsburg Date de parution : septembre 2002 Regardez ! Quelqu’un guette ! Vous jetez un coup d’œil en retour, par pure curiosité. La manière
dont vous êtes observé déterminera votre prochain regard, une série de mimiques indiquant désintérêt,
perplexité, ennui, colère. L’artiste néerlandais Peter Bogers ne documente pas tout à fait
complètement l‘échange. Il s’intéresse à ce moment intime, fugace, du contact impersonnel quand celui
qui est regardé voit que l’observateur épie. “Shared Moments” est constitué
des centaines de fragments vidéo précédents le
moment où les passants choisis aléatoirement réalisent que Bogers les a secrètement filmés. Le regard sur leurs
visages est ce qui est exposé. (…) Bogers synchronise ses images de telle
manière que
tous ses “personnages” se rendent compte au même moment qu’ils sont
observés. Bien que, dans la réalité, le regard qu’ils portent en retour ait une durée variée,
Bogers dilate le temps pour qu’ils soutiennent un regard d’une durée égale.
Cela inspire une sorte de sentiment étrange, comme de
réaliser soudain que tout le monde dans la pièce est en train de vous
regarder. Mais ce n’est pas réellement le cas ; c’est
seulement de la vidéo. “Ce qui m’intéresse est de filmer des gens sans qu’ils le sachent ;
ils ont le sentiment que quelque chose est peut-être en train de se passer”, dit Bogers. “Ils lorgnent la
caméra. Ils observent. À un certain moment, il se rendent compte [qu’ils sont
filmés]. C’est ce moment que je recherche.” Les
images ont été enregistrées avec une caméra grand public à une époque où
Bogers parcourait la France et la Hongrie. En
elles-mêmes, les images n’ont rien de parfait ou de professionnel. C’est leur
présentation «cut-and paste» qui les rend intéressantes.
(…) “Ça ne m’intéresse vraiment pas d’expliquer ce qui se passe à un
niveau psychologique ou de quelle manière les gens réagiront” dit-il. ”Je déconstruis la réalité et la
remonte à ma manière. C’est une illusion. Quelqu’un a dit “Un film est la
présence de l’absence”. Nous avons quelque chose de
présent ici, mais qui n’est pas là.” |